Tiré d’Olivier Clerc. La grenouille qui ne savait pas qu’elle était cuite et autres leçons de vie. Editions JC Lattès.

Imaginez une marmite remplie d’eau froide, dans laquelle nage tranquillement une grenouille. Le feu est allumé sous la marmite. L’eau se chauffe doucement. Elle est bientôt tiède. La grenouille trouve cela plutôt agréable et continue de nager.

La température commence à grimper. L’eau est chaude. C’est un peu plus que n’apprécie la grenouille, mais elle ne s’affole pas pour autant, surtout que la chaleur tend à la fatiguer et à l’engourdir.

L’eau est maintenant vraiment chaude. La grenouille commence à trouver cela désagréable, mais elle est aussi affaiblie, alors elle supporte, elle s’efforce de s’adapter et ne fait rien.

La température de l’eau va ainsi continuer à monter progressivement, sans changement brusque, jusqu’au moment où la grenouille va tout simplement finir par cuire et mourir, sans jamais s’être extraite de la marmite.

Plongée dans une marmite à 50°, la même grenouille donnerait immédiatement un coup de pattes salutaire et se retrouverait dehors[1].

Cette expérience nous montre qu’une détérioration suffisamment lente échappe à la conscience et ne suscite la plupart du temps pas de réaction, pas d’opposition, pas de révolte. Chaque fois qu’une détérioration est lente, faible, presque imperceptible, il nous faut une conscience très aiguisée pour nous en rendre compte de la situation et de la réaction qui devrait être la nôtre.

La grenouille finit par cuire parce qu’elle n’a pas d’autre thermomètre que sa peau pour apprécier l’élévation progressive de la température.

Elle n’a pas d’étalon fiable qui lui permette d’apprécier l’évolution de la situation.

Résultats :

  • Abrutie par un excès de stimulations sensorielles, notre conscience s’endort.
  • Gavée par trop d’informations inutiles (infobésité), notre mémoire s’émousse.
  • Privés d’étalon, nous n’avons plus de repères stables.

Et nous, quels sont nos étalons ?

Il s’agit davantage d’observer le contexte que de juger la situation.

Comment évaluons-nous la « température ambiante » ?

 

[1] Cette allégorie a été présentée la 1ère fois dans le livre de Marty Rubin, publié en 1987, The boiled Frog Syndrome.