L’attention sélective et la cécité attentionnelle
L’apprentissage de la lecture modifie notre cerveau.
L’apprentissage du langage est quant à lui déjà inscrit dans notre patrimoine génétique.
Tels sont quelques-uns des enseignements des neurosciences de l’éducation.
Les chercheurs orientent leurs travaux sur le développement des piliers cérébraux de l’apprentissage. Le premier de ces piliers est l’attention.
L’attention sélective est une capacité à filtrer des activités distractives et augmenter le volume des informations importantes.
C’est par exemple : arriver à se concentrer sur la parole de l’enseignant malgré le tumulte des élèves indiscipliné. C’est arriver à répondre à un interlocuteur au téléphone dans un Open-space bruyant. C’est arriver à tenir une conversation avec son interlocuteur malgré des sollicitations distractives (rires, pitreries, etc.).
Nous sommes cependant parfois des « aveugles attentionnels ».
Le gorille et les basketteurs
Dans la vidéo du « gorille », ce que notre cerveau perçoit de la situation est un traitement quantitatif de celle-ci. Notre cerveau a projeté sur cette scène une activité de calcul (compter le nombre de passes). Et non pas de catégorisation, de traitement qualitatif. Du coup, le passage d’un gorille au milieu des joueurs ou le changement de couleur du décor n’est pas retenu par notre attention (chez 50% des personnes).
La conception naïve selon laquelle notre cerveau perçoit le monde dans sa globalité et de manière détaillée est tout à fait fausse. Nous sommes toujours guidés par nos idées, nos intentions, nos certitudes.
Ce qui est impressionnant dans cette expérience, c’est la certitude selon laquelle ceux qui n’ont pas vu le gorille auraient dû, par évidence, le voir. On surestime notre capacité à tout voir, à tout percevoir.
Il faut prendre au sérieux les individus qui disent ne pas voir ou avoir vu ce que les autres ont perçu. Cette cécité peut nous arriver.
L’enseignement efficace est celui qui focalise l’attention sur l’information importante et facilite cette guidance.
Le stimulus de l’attention dépend aussi du milieu socio-économique, du statut social. Le stimulus dans un environnement pauvre est plus chaotique. Au fil du temps il génère du stress. Et si ce stress devient chronique, il impacte le cerveau et les émotions, et provoque un stress toxique.
La création de connexions
Des programmes éducatifs tentent de faciliter la création de connexions facilitant l’attention sélective :
- Décrire les émotions
- Décrire la manière dont nous nous sentons
- Se concentrer sur notre respiration
- Réaliser des activités de concentration : marcher sur une ligne par exemple pour faciliter la régulation émotionnelle.
Chez les jeunes enfants, l’attention est difficile car le cortex préfrontal qui n’arrive à maturité qu’à l’âge adulte.
Fonctions exécutives :
- Le contrôle inhibiteur pour résister aux sources de distraction, à l’égocentrisme, à une impulsion immédiate,
- Le contrôle de soi pour respecter autrui,
- La mémoire de travail pour conserver les informations comme les consignes
- La planification pour suivre ces consignes et les exécuter dans l’ordre.
Il s’agit de compétences générales en lien étroit avec les fonctions exécutives.
L’engagement actif
Toutes les compétences convergent ensemble au service de l’exécution.
Contrairement à des idées reçues, nous ne pouvons pas réaliser deux tâches simultanément (tâches complexes et non automatiques). Lorsque nous sommes engagés dans une tâche donnée, les stimuli non-pertinents peuvent devenir littéralement invisibles. Même s’ils sont visibles, leur traitement est massivement différé.
Un cerveau passif n’apprend pas. L’observation, l’expérimentation, corriger ses erreurs facilitent l’engagement actif. Le questionnement, la recherche du sens sont une des plus belles manières d’apprendre. Ces activités déclenchent une dose de dopamine fixée dans l’hippocampe.
La tâche de l’enseignant consiste avant tout à canaliser et captiver l’attention de l’élève. (Dehaene)
Le travail par groupe facilite l’engagement et la restitution des connaissances.
L’apprentissage par l’erreur
Se tromper est non seulement normal mais indispensable. Il permet de se corriger et de détecter les signes d’erreur.
L’erreur peut provenir du monde extérieur. Il peut provenir d’un processus plus complexe.
La correction rapide après l’apprentissage permet de mieux retenir les savoirs.
Mémorisation et test permettent de recevoir le feedback nécessaire à l’apprentissage.
Travailler sur les différentes mémoires c’est aussi résister à des automatismes. Entrainer à l’inhibition est un vrai enjeu. Résister à une impulsion immédiate.
Des applications sont testées :
- Associer une couleur à un nom (qui n’est pas nécessairement de la couleur décrite).
Les erreurs ont un statut positif dans l’apprentissage de l’erreur.
La consolidation
La consolidation passe par un processus de répétition. Plus l’activité est consolidée et plus elle se renforce. L’apprentissage doit être consolidé pour devenir un automatisme.
A l’inverse, une connexion non stimulée tendra à disparaître. C’est ainsi que les réseaux de neurones se réorganisent sous l’effet de l’apprentissage.
On a plus besoin de focaliser notre attention sur les fonctions exécutives car elles deviennent automatiques. On peut du coup, passer à une autre fonction en cours d’apprentissage.
« Il faut que j’automatise la lecture pour comprendre le sens du texte. » Stanislas DEHAENE
Le sommeil
La performance d’un enfant est accrue à l’issue d’une sieste. Le cerveau rejoue la partie durant le sommeil. Les choses se consolident avec le sommeil. Inversement, le manque de sommeil peut parfois provoquer des troubles de l’attention.
Les apprentissages fragmentés sont plus efficaces car ils sont entrecoupés de périodes de sommeil.
La motivation
L’intérêt et la motivation sont enfin un facteur d’amélioration de l’attention et de l’engagement.
Des expériences dans les sciences de l’éducation mais certains biais peuvent parfois poser de réelles questions sur l’efficacité du modèle actuel.
« L’effet Hawthorne, décrit la situation dans laquelle les résultats d’une expérience ne sont pas dus aux facteurs expérimentaux mais au fait que les sujets ont conscience de participer à une expérience dans laquelle ils sont testés, ce qui se traduit généralement par une plus grande motivation. »
Les évolutions neuroscientifiques
Le bébé nait avec un matériel cérébral très organisé dès sa naissance contrairement aux idées reçues. Les fonctions mathématiques, les fonctions statistiques, les règles arithmétiques l’apprentissage du langage, etc.
Le recyclage neuronal permet à une fonction visuelle de se spécialiser dans le décodage visuel des mots, dans l’accès au sens, dans la prononciation et l’articulation. Ce système intervient dans la détection des objets. Dans un premier temps on constate une invariance dans la détection de ceux-ci quelque soit leur orientation. Dans un premier temps, l’enfant a du mal à faire la différence entre un b et un d. Ceci explique ce que l’on appelle les erreurs en miroir. Nous apprenons à reconnaître les lettres précisément avec la région qui présente la plus grande capacité de généralisation en miroir.
Cette généralisation en miroir doit être désapprise lorsque nous apprenons à lire. Elle nous permettra alors de faire la différence entre les mots « odil » et « libo ».
Le déchiffrage est un apprentissage indispensable. Il doit permettre à l’enfant de faire la différence entre les graphèmes et les phonèmes. La méthode de lecture syllabique est indispensable pour faciliter cette compétence. Mais utiliser une méthode de lecture syllabique stricte semble tout aussi contre-productif.